MEDIATISATION, COM ET RESEAUX SOCIAUX
La médiatisation d’une pandémie, la communication de crise et le management dans des entreprises de haute technologie, les réseaux sociaux : voici les points abordés dans cette revue de web printanière.
De la pandémie à l’incendie
La médiatisation d’une pandémie suit des codes précis. François Quinton, rédacteur en chef de La revue des Medias a interviewé Hélène Romeyer, professeure en science de l’information et de la communication à l’université de Bourgogne-Franche Comté et spécialiste de la médiatisation des questions de santé. Selon elle, la pandémie de Covid-19 a connu une très forte intensité dans le traitement médiatique, mais celui-ci n’est pas continu. Une nette baisse a été constatée durant l’été car lors de cette période, il n’y a plus d’annonces, de conférences, etc. De plus, en France, c’est la première fois qu’une pandémie touche toute la planète depuis plus d’1 an. Ces caractéristiques inédites expliquent cette médiatisation. D’autres facteurs comme l’angoisse liée à un virus, ou les nombreuses « inconnues » sur le plan scientifique, y contribuent également.
Comme les médias sont des entreprises, ils ont besoin d’audience pour être rentables. Ils produisent donc de l’information dont ils savent qu’elle sera consommée. En outre, les annonces de l’exécutif qui concernent les règles de notre vie de tous les jours (confinement, couvre-feu, etc.), connaissent aussi des pics d’audience. D’ailleurs, les journaux télévisés suivent fortement les agendas politiques et la politique de santé publique est alors traitée. Le traitement médiatique cherche les polémiques sur les confinements. Mais la question de la déresponsabilisation ou de l’infantilisation n’est pas très largement répandue dans la population.
La médiatisation d’un problème sanitaire n’est pas forcément corrélée avec le nombre de morts qu’il entraine. S’il n’y a pas de lien entre la prégnance scientifique d’un problème sanitaire et sa médiatisation, celle-ci dépend de l’acceptabilité du discours médiatique dans l’espace public et du contexte de la société. Or l’emballement médiatique autour de la Covid-19 est mondial. Enfin, plus un sujet touche le public cible d’un média, plus celui-ci le traitera.
Les indicateurs retenus par les journaux télévisés pour traiter l’évolution de la pandémie ont changé. Au début, ils concernaient le nombre de décès, de nouveaux cas positifs ou de patients en réanimation. Actuellement, l’intérêt porte sur les réanimations et le taux d’incidence. Ce changement de critères s’explique par plusieurs raisons. D’abord, la manière de compter les morts a évolué. De plus, l’annonce quotidienne du nombre de morts pouvait inquiéter la population. Ainsi, le point presse quotidien de Jérôme Salomon a disparu. Le gouvernement se retrouve également dans une impasse communicationnelle : toute décision politique sera critiquée. Enfin, des chiffres, par exemple sur l’application TousAntiCovid ou sur le site de Guillaume Rozier, Covid Tracker, sont consultables par les journalistes.
Par ailleurs, dans les enquêtes d’opinion sur la perception des Français sur le traitement médiatique de la pandémie, l’information est considérée comme trop anxiogène.
Selon l’experte, le rôle des journalistes est d’informer et non de rassurer. L’utilisation des chiffres est une constante dans le traitement des sujets de santé, quel que soit leur angle (politique, médical, prévention, etc.). Mais leur traitement peut poser des problèmes à cause du déficit de formation des journalistes aux statistiques et à l’infographie en général, ainsi que de leurs conditions de travail. Enfin, la professeure considère que l’information ne devrait pas se traiter en continu et dans l’immédiateté.
En outre, la quasi-disparition de Didier Raoult s’expliquerait par ses erreurs et ses différends avec le Conseil de l’ordre des médecins. Mais il est encore très cité sur les réseaux sociaux, et il est devenu le héros des « complotistes ». Cela soulève aussi un problème de déontologie pour un journaliste. Les rédactions ne veulent pas donner la parole à une personne qui peut être remise en cause à tout moment et qui est, par ailleurs, sous le coup d’enquêtes. Didier Raoult a également remis en cause les journalistes en leur disant qu’ils n’étaient pas capables de comprendre son discours…
D’autres figures médiatiques ont émergé, parfois favorisées par leur position institutionnelle, comme la professeure Anne-Claude Crémieux, qui maitrise bien le sujet et est proche des pouvoirs publics. D’autres experts s’expriment en tant que représentants de certains intérêts afin de peser sur le débat public. Mais au-delà des individus, Hélène Romeyer regrette que les journalistes ne décryptent pas les lobbies. Par exemple, concernant la polémique sur les vaccinodromes, très peu de journalistes ont rappelé que les médecins y sont opposés. De plus, selon elle, il serait utile de rappeler d’où parlent les experts. Un épidémiologiste travaille sur des séries statistiques. Un chef de service de réanimation citera, quant à lui, plus l’occupation des lits. En outre, l’experte note que les magazines télé généralistes, les talk-shows comme « C à vous » et les chaînes d’information en continu, ont exprimé une certaine retenue. Mais aujourd’hui, ils privilégient la polémique au détriment de l’information.
Lors d’une crise, une entreprise doit avoir une solide réputation pour bien gérer sa communication. Le communicant, Olivier Cimelière, a analysé dans son blog la communication de crise d’OVHCloud lors de ses incendies. Symbole de la French Tech, OVHCloud a connu des sérieux incidents techniques sur son site d’hébergement de données localisé à Strasbourg. Un premier incendie a ravagé le 10 mars dernier une grande partie des installations mais quelques jours plus tard, un second s’est déclenché. Malgré l’importance des dégâts et des impacts pour les clients dont les infrastructures Web étaient hébergées sur le site détruit, la réputation de l’entreprise fondée par Octave Klaba n’a pas trop souffert.
La nuit du 9 au 10 mars dernier a suffi pour que 3,6 millions de serveurs HTPP et 464 000 noms de domaines disparaissent des écrans d’ordinateur suite à un incendie au cœur des datacenters d’OVHCloud à Strasbourg. Les dommages ont été considérables malgré l’importante intervention des pompiers.
Premières victimes collatérales de ce brasier : entre 12000 et 16000 sites des clients sont en panne. Pour certains, la perte des données relatives à leur activité a été irréversible. L’incident est arrivé au mauvais moment pour OVHCloud : deux jours avant l’incendie, le fondateur d’OVH, Octave Klaba, déclare, via un tweet, vouloir entrer en bourse sur le marché Euronext. Ses intentions boursières disparaissent très vite avec les critiques sur l’absence des systèmes d’extinction d’incendie dans les locaux de Strasbourg.
La réactivité de la communication de l’entreprise s’est manifestée dès le 11 mars à 18 heures avec une prise de parole d’Octave Klaba sur Twitter dans une vidéo de 8 minutes au cours de laquelle, il a indiqué tous les faits liés à la catastrophe tout en présentant ses excuses aux clients très touchés dans leurs activités courantes. Il détaille aussi les mesures correctrices alternatives qui sont immédiatement réalisées pour les sauvegardes de données, les transferts d’hébergement temporaires et la fabrication de nouveaux serveurs.
Puis le plan de redémarrage des centres de données et services d’OVHCloud de Strasbourg est dévoilé. Ainsi, les interventions techniques sont détaillées par datacenter. Le degré de l’information transmis va jusqu’à indiquer la récupérabilité (ou non) des données sauvegardées selon les contrats souscrits par les clients. Octave Klaba a annoncé à leur encontre que des bilans personnalisés relatifs à leur situation propre seraient fournis d’ici 48 heures.
Enfin, la facturation a été suspendue à la date de l’incendie pour tous les clients utilisant les services OVH implantés à Strasbourg. Une possibilité de disposer des infrastructures alternatives gratuites sur d’autres centres de données du groupe OVH en France a été aussi proposée. Pour compléter le dispositif, l’entreprise a mis en ligne un site Web de questions-réponses destiné aux clients qui les tient informés au fur et à mesure que la situation avance. L’effort de précision et de transparence d’OVH est alors unanimement salué.
Directeur des opérations de Saper Vedere et expert des crises digitales, Nicolas Vanderbiest a dressé un premier constat : les commentaires ont pourtant été nombreux sur tous les grands réseaux sociaux que sont LinkedIn, Twitter et Facebook, la palme revenant à ce dernier avec près de 142000 interactions.
Cependant, le constat a révélé l’hétérogénéité des cibles qu’il a fallu informer. Selon l’étude de Nicolas Vanderbiest, chaque réseau avait un profil de parties prenantes plutôt bien spécifique : Twitter (militants/politiques, gamers, et médias), Facebook (médias généralistes, clients touchés), LinkedIn (un public très corporate avec des sales managers, IT consultants et CEO).
La réaction sur les réseaux sociaux fut aussitôt sardonique, oscillant entre critique acerbe et détournements humoristiques. Le fondateur a répondu à ces critiques et a renvoyé le cas échéant vers un site questions-réponses dédié. Finalement, il a annoncé des améliorations pour que l’incident ne se reproduise plus.
La vie d’une entreprise, a fortiori, dans le secteur technologique où les pannes et les dysfonctionnements peuvent se manifester à tout moment, n’est pas un long fleuve tranquille. Le blogueur conclut que la confiance s’obtient dans la capacité à reconnaître une erreur, un accident, à être clair dans ses explications et à en retirer les enseignements nécessaires pour la fois d’après. Ainsi, une communication rapide et directe permet de préserver le lien ébranlé avec les parties prenantes.
Le management et les réseaux sociaux
Le leadership dans une société de haute technologie peut aussi s’apprendre et s’améliorer. Sur le site Internet du Courrier Cadres, le journaliste, Fabien Soyez relate l’évolution du PDG de Facebook. Mark Zuckerberg a, en effet, développé un modèle de management particulier, salué par ses collègues. Pourtant, le geek devenu milliardaire n’a pas toujours été un chef modèle.
En 2005, surpris par le succès de son site, “Zuck”, 21 ans, est propulsé à la tête d’une start-up d’une cinquantaine d’informaticiens, sans aucune formation en management. “Une grande part de ses innovations sont le fruit de ses réflexions personnelles, auxquelles il se livre en solitaire, et tous les grands changements sont décidés par lui. Les idées des autres… Il les retoque sans prendre de gants, en se montrant cassant et impatient”, raconte le journaliste Daniel Ichbiah, auteur d’une biographie sur Mark Zuckerberg. A l’époque, celui-ci n’est pas considéré par ses employés comme un bon président.
En 2006, Robin Reed, responsable du recrutement, conseille à Mark Zuckerberg de prendre des leçons de leadership. Ainsi, une “coach de direction”, lui apprend à “réfléchir plus en amont”, et à avoir, surtout, davantage d’empathie envers ses collaborateurs. “Il a radicalement changé. Il a compris que pour avoir les meilleurs éléments et les garder, il fallait bien traiter ses salariés. C’est sa capacité à prendre du recul et à se remettre en question qui lui a permis de s’améliorer et de redresser la barre. ”, constate la spécialiste en médias sociaux Ekaterina Walter, dans “La méthode Facebook”.
Parallèlement, Mark Zuckerberg fait appel à un ami, le directeur général du Washington Post, Don Graham. “Il lui a demandé s’il pouvait le suivre pendant une semaine, afin de s’inspirer de sa façon de diriger une organisation. Graham est un manager bienveillant, débonnaire. Il lui a tout appris des rouages de la gestion d’une entreprise et de ses employés”, note Daniel Ichbiah. Le fondateur de Facebook s’inspire également d’un autre ami : Steve Jobs, le créateur d’Apple. Il lui demande des conseils sur la manière de recruter “des personnes douées et motivées”, et d’entraîner derrière soi toute une équipe.
Avec tous ces conseils, dans les bureaux de Palo Alto, Mark Zuckerberg, rend l’environnement de travail plus agréable avec une cantine gratuite en self-service, des tables de ping pong, et un espace ouvert. Il décide également que son entreprise paiera les amendes de stationnement des employés, et loue une maison dans les montagnes de Californie, où chacun peut y aller se reposer. Mal à l’aise en public, il se fait aussi coacher sur ce point.
Les méthodes de travail de Mark Zuckerberg sont depuis examinées de près, comme un modèle en la matière. Sa nouvelle philosophie managériale, le PDG de Facebook l’a nommée “la Voie du hacker”. Il encourage ainsi ses salariés à “prendre des décisions audacieuses, même si cela implique de se tromper de temps en temps”. Néanmoins, Daniel Ichbiah constate : “C’est toujours lui qui prend les grandes décisions ; Facebook reste une autocratie à ce niveau-là. On peut lui faire des suggestions, mais c’est lui qui décide. ”
Au nom de l’intelligence collective, la Voie du hacker consiste aussi à se laisser critiquer par ses propres employés, et à accepter de voir ses idées remises en question, afin “d’instaurer un climat de travail propice à l’ouverture d’esprit et au dialogue libéré”. Le patron de Facebook a donc instauré une politique de la “porte ouverte” : Mark Zuckerberg se trouve au milieu de ses collaborateurs dans un immense open space.
Selon Daniel Ichbiah, le fondateur de Facebook est “quelqu’un de simple, qui cherche à se fondre parmi les autres, et à être mister Nobody. Il porte un jeans et un sweat shirt, essaie de ne pas apparaître comme un patron. Il n’est absolument pas un leader, mais plutôt un entraîneur, un inspirateur. Et sa façon de manager a l’air de lui réussir, malgré tout !”
521 millions d’utilisateurs supplémentaires font appel aux réseaux sociaux en un an. Sur le Blog du Modérateur, la journaliste, Alexandra Patard, révèle les principaux enseignements de l’étude annuelle réalisée par Hootsuite et We Are Social mise à jour avec les chiffres d’avril 2021. Une forte augmentation de l’usage d’Internet et des réseaux sociaux constatée s’explique par les effets de la crise sanitaire. Parmi les principaux chiffres clés, figurent 4,72 milliards d’internautes (soit 6 personnes sur 10 dans le monde), 5,27 milliards de mobinautes (67,1 % de la population mondiale), en hausse de 1,9 %, 4,33 milliards d’utilisateurs actifs des réseaux sociaux (55,1 %), en augmentation de 13,7 % (521 millions d’usagers supplémentaires.
La principale information du rapport porte sur la forte augmentation de l’usage des réseaux sociaux. En avril 2021, les plateformes sociales comptent plus d’un demi-milliard de nouveaux utilisateurs sur un an (+13,7 %). Le temps consacré aux réseaux sociaux est de 2h22. De plus, le nombre d’utilisateurs de médias sociaux a augmenté deux fois plus vite au premier trimestre 2021 qu’au cours des trois mois précédents.
WhatsApp est la plateforme préférée des internautes âgés de 16 à 64 ans (hors Chine) avec 24,1 % des voix, devant Facebook (21,8 %) et Instagram (18,4 %). Les quatre principales plateformes de Facebook représentent plus des deux tiers (67,9 %) des favoris mondiaux, en dehors de la Chine.
Par ailleurs, parmi les cinq premiers du top 10 des réseaux sociaux les plus utilisés dans le monde, se trouvent Facebook (2,797 milliards), YouTube (2,291 milliards), WhatsApp (2 milliards), Facebook Messenger (1,3 milliard) et Instagram (1,287 milliard). Si les utilisateurs ont légèrement augmenté sur les principales plateformes (+57 millions pour Facebook au cours des 3 derniers mois), ce classement révèle notamment la hausse de la fréquentation de Telegram, qui a bénéficié des déboires rencontrés par WhatsApp lors du 1er trimestre 2021 sur sa nouvelle politique de confidentialité. Enfin, Twitter frôle la barre des 400 millions d’utilisateurs (+43 millions sur un an).
Parmi les comptes suivis, figurent ceux des émissions ou des chaînes de télévision (28,6 % des utilisateurs). De plus, un internaute sur 5 déclare suivre des contacts (20,5 %) ou des entreprises (19,3 %) en lien avec leur activité professionnelle.
En outre, le taux de pénétration reste le plus élevé dans les régions de l’hémisphère nord : 97 % en Europe du Nord, 93,3 % en Europe de l’Ouest, 90,4 % en Amérique du Nord et 70,6 % en Asie de l’Est. Quant au temps moyen de connexion à Internet, il demeure stable à 6h56. Sur mobile, il est de 3h36 minutes. Pour se connecter à Internet, les utilisateurs continuent de privilégier leur mobile (54,18 %, en hausse de 4,13 %) devant un laptop ou un desktop (42,9 %, en diminution de 5,2 %). Les tablettes représentent 2,84 % du marché (+7,2 %).
Concernant les navigateurs, Chrome (64,2 %), dépasse ses concurrents en augmentation de 0,8 %, devant Safari (19 %, en hausse de 3,7 %) et Firefox (3,7 %, en recul de -16,7 %). Derrière, deux autres voient leur utilisation augmentée : Microsoft Edge (+53,3 %) et Opera (+30,7 %), qui représentent respectivement 3,7 % et 2,1 % du marché.
Enfin, d’après le classement effectué par SimilarWeb, Google, YouTube et Facebook forment le trio de tête des sites les plus visités à l’échelle mondiale. Les internautes passent le plus de temps sur le service de streaming vidéo : 21 minutes et 53 secondes en avril 2021. WhatsApp.com occupe, quant à lui, la 11e place devant Zoom (12e).