REVUE DE WEB  OCTOBRE

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Les répercussions du Covid-19 sur les journalistes et son traitement dans les journaux télévisées, l’uberisation des fakes news et la communication environnementale : voici les sujets de ce mois d’octobre.

Du journaliste aux JT

Le coronavirus a aussi impacté les activités des journalistes de plusieurs façons. Sur le site Internet de Meta Media, Laure Delmoly, responsable de projets à MediaLab de France Télévisions note que les journalistes et professionnels des médias ont connu de nombreuses pressions durant la première vague du Covid-19 : psychologiques, économiques et sanitaires. Elle dévoile les résultats d’une enquête mondiale effectuée par l’ICFJ et le Tow Center for Digital journalism de l’Université Columbia.

Les journalistes exposés quotidiennement à des malades et à des services hospitaliers saturés ont pris des risques dans un contexte où le respect du protocole sanitaire n’était pas toujours possible. Selon 70% des répondants, couvrir les 6 mois de pandémie a eu des conséquences sur leur santé mentale. En outre, 30% des répondants déclarent que leur employeur ne leur a pas donné de protection suffisante pour se rendre sur le terrain.

Ce secteur sous pression économique a connu des licenciements et des plans d’austérité. Ainsi, 67% déclarent que la pandémie a augmenté leur insécurité financière. 17% des répondants remarquent que leur employeur a connu une diminution de revenu de 75 %. 18% des répondants notent que leur employeur a demandé une aide d’urgence. Enfin, 7% déclarent que leur média a cessé toute édition print et 11% qu’il a diminué son activité Print.

Par ailleurs, des menaces accrues comme le cyberharcèlement ont été subies par les journalistes. De plus, dans un contexte de crise où l’enjeu politique est important, les sources des journalistes ne sont pas toujours fiables. Ainsi, 46% des répondants considèrent les politiciens et les élus comme des sources principales de désinformation. En outre, 48% des répondants déclarent que leurs sources avaient peur des représailles en communiquant vers la presse.

Les journalistes doivent donc faire face à une augmentation de la désinformation. Ils doivent vérifier alors systématiquement toutes les fake news pour les sourcer et les corriger. ⅔ des répondants (66%) notent avoir fait face à de la désinformation sur Facebook et presque la moitié sur Twitter (42%).

Plus d’1 tiers (35%) ont également reçu des fausses informations via WhatsApp. Enfin, 22% ont identifié des fake news sur YouTube. Si les journalistes signalent les fake news auprès des plateformes sociales, celles-ci ne réagissent pas.

Néanmoins, malgré cette crise, les journalistes se sentent davantage impliqué dans leur métier avec deux missions principales : combattre la désinformation et vulgariser une information scientifique complexe dans un contexte de panique générale. D’ailleurs, 67% expriment le besoin d’être formés à la vérification de l’information et 66% au domaine de la santé et de la médecine.

Les journalistes confinés ont plus fait appel au public et aux citoyens pour réaliser leurs sujets. 67% des répondants affirment utiliser davantage les outils digitaux pour enquête. Enfin, la confiance du public s’est accrue envers les journalistes.

L’information sur la pandémie liée au coronavirus a explosé dans les journaux télévisés. Sur le site Internet de la Revue des Medias, Géraldine Poels, responsable de la valorisation scientifique des collections de l’INA et Véronique Lefort, documentaliste multimédia à l’INA, exposent les résultats de leur étude du traitement du Covid-19 dans les JT. Ainsi, elles ont constaté que les chaînes généralistes de la télévision ont joué un rôle majeur dans la médiatisation de cette crise sanitaire avec plus de la moitié des journaux télévisés consacrés à la pandémie de Covid-19 pendant six mois. Ainsi, entre le 18 janvier et le 3 juillet 2020, 8 466 sujets ont été sur le coronavirus SARS-CoV-2 : soit 50 sujets en moyenne par jour dans les JT de 20 heures. Cela représente 60 % de l’offre d’information globale du 1er semestre 2020 (en nombre de sujets).

Pendant les huit semaines de confinement, la part des JT traitant de la pandémie a atteint un record de 80,5 %. Par ailleurs, 74 % du temps d’antenne des chaînes d’information en continu ont consacré à l’épidémie. En outre, le mois de mars marque un basculement dans l’information télévisée : le volume horaire occupé par la pandémie dans les JT croit sur toutes les chaînes (sauf Arte), et la crise sanitaire domine alors toutes les autres thématiques des JT. Parallèlement, la durée des journaux télévisés augmente.

En outre, la rubrique « santé » passe soudain de 456 sujets en février à 2 024 en mars. Au cours de ce mois, les journaux télévisés traitent prioritairement de la lutte contre l’épidémie (masques, gestes barrières, prévention, tests), puis de la mise en place du confinement. Les JT abordent aussi la situation dans les hôpitaux et les EHPAD, et celle des personnels de santé. La manière dont la pandémie est gérée à l’étranger est également traitée et plus particulièrement en Italie. Les bilans chiffrés du nombre de cas recensés, des décès et des hospitalisations sont également réguliers. Enfin, des sujets sont consacrés à l’état des connaissances sur la maladie, aux questions-réponses, aux témoignages. Pendant quatre mois, la santé restera la principale thématique traitée dans les JT, même si elle diminue en juin. En juin, la durée des JT demeure importante et la part de la thématique « santé » exceptionnelle, mais le traitement de l’actualité se diversifie.

En période normale, la santé occupe habituellement une place réduite dans les JT, loin derrière les sujets de société, de politique internationale et française, et d’économie. En année ordinaire, les journaux télévisés lui consacrent en moyenne 3,3 % de leurs sujets.

Fakes news et environnement

Durant cette épidémie, les fake news se sont développés fortement. Pour le site Internet The Conversation, Oihab Allal-Chérif, Business Professor au Neoma Business School, analyse l’infodémie de fake news pendant la pandémie actuelle. Les théories complotistes institutionnelles et malveillantes sont reprises par ceux qui y croient, qui les interprètent, les font évoluer, et les relaient sous des formes différentes. Le professeur note ainsi une uberisation des fake news : chacun est à la fois consommateur, producteur et diffuseur. Dans un monde où tout le monde se prend pour un expert et est victime de biais cognitifs, chacun pense qu’il doit alerter les autres sur ce qu’il a découvert ou compris et que des « forces occultes » nous cacheraient.

Des conditions sont favorables à la désinformation. Beaucoup d’informations sont produites et diffusées chaque jour concernant l’épidémie qu’il est difficile de tout analyser et de discerner le vrai du faux. De plus, des idées totalement contradictoires sont exprimées par des experts ou pseudo-experts, qui se basent sur des éléments partiels ou partiellement vrais. Ils semblent maîtriser leur sujet. Résultat : il en ressort des théories et des recommandations différentes, incompatibles ou même opposées qui déconcertent la population et font perdre la confiance.

Les changements des points de vue des autorités sur l’efficacité du confinement, du port du masque, de certains médicaments et des tests ont créé un climat favorable à la colère. Les masques en sont un exemple. Dans un premier temps, jugés totalement inutiles et contreproductifs en termes de protection, ils sont devenus obligatoires pratiquement partout et tout le temps. Un autre facteur important est la mauvaise utilisation, volontaire ou involontaire, des chiffres, des graphiques et des statistiques par les politiques et les médias.

La recherche du buzz, la spectacularisation, le sensationnalisme et l’instrumentalisation de la Covid-19 avec des objectifs commerciaux ou politiques entrainent de la méfiance et décrédibilisent ceux qui disent savoir la vérité. Plus d’un quart des vidéos les plus vues sur YouTube diffuseraient des informations trompeuses et sont partagées afin de transmettre soi-disant la vérité.

Par ailleurs, une censure sélective accorde aux éléments supprimés des audiences sur d’autres supports et conforte la suspicion généralisée au lieu de l’atténuer.

Les complotistes utilisent le virus afin de confirmer des théories auxquelles ils croyaient déjà avant la crise sanitaire. Ils créent alors de nouvelles fausses théories liées au virus afin de confirmer d’autres fausses théories sur les reptiliens, les vaccins… Peu à peu, les gens s’enferment dans des bulles cognitives où ils n’accèdent plus qu’à des informations qui confortent leurs opinions, et qui les isolent des autres approches alternatives. Ils associent les fakes news et forment ainsi un écosystème cohérent.

Pour chaque information, il faut procéder à un décryptage, à un fact-checking et à une évaluation des intentions et des intérêts associés mais il est impossible de le faire systématiquement. En outre, les idées constituent l’identité des complotistes et les combattre peuvent être perçues comme une attaque personnelle et une posture arrogante ou méprisante.

Enfin, la communication sur l’environnement reste un enjeu important pour une meilleure santé de la planète. Dans son blog, Hervé Monier interviewe Thierry Libaert, un expert de la communication sensible et de la communication environnementale sur son ouvrage qui constate un échec de plus de 40 ans des discours écologiques et des tentatives de sensibilisation aux grands enjeux climatiques et environnementaux. Selon l’expert, un sujet tel que le dérèglement climatique est d’abord un problème de santé publique avec les vagues de chaleur ou l’extension des maladies tropicales mais il est aussi un problème géopolitique avec l’augmentation des migrations à cause de l’augmentation des événements climatiques extrêmes, un problème militaire avec les conflits qui risquent d’apparaître pour l’accès à de nouveaux territoires, et enfin un problème économique. Tant que la communication sur la défense de la planète sera considérée comme un sujet relevant de l’écologie, des progrès limités seront enregistrés. Thierry Libaert note quatre freins à la prise de conscience et à une réelle mobilisation des citoyens sur l’environnement : la dimension spatiale (éloignement des conséquences du dérèglement climatique ; la dimension temporelle ; la croyance/le mythe d’un progrès technique salvateur ; le biais psychologique qui pousse chacun à se dégager spontanément de tout sentiment de responsabilité. Une solution de la communication environnementale : la question de la dénomination est un point de départ pour faire aboutir des projets. Selon l’expert, il faut envisager un futur où l’énergie sera plus propre, l’air plus pur, un mode de vie moins stressant et des produits plus sains.